RÉCIT DU TMV300

Revivez l’aventure de Silvin, co-fondateur de Manivelle, sur le Tour du Massif Vosgien, une épreuve longue distance off-road dont nous étions partenaire pour cette seconde édition. Bonne lecture!

Vendredi 01 juillet – Briefing

“18h. Dans la médiathèque d’Ensisheim se déroule une drôle de scène. Des cyclistes, 72 en tout, portant tous.tes la même casquette, écoutant avec attention une présentation très sérieuse. Pas habituel comme début de week-end, tout du moins pour moi. Et si tout le monde tend aussi bien l’oreille, c’est parce que Pascal, organisateur du TMV, raconte l’aventure qui nous attend, demain matin, à 8h pétante.

Pascal est prof la semaine, le sujet est abordé point par point, tout est très bien expliqué. J’apprécie beaucoup les consignes partagées en matière de respect des sentiers, des randonneurs.ses, de la gestion des déchets. Les différents parcours sont présentés (6 au total, trois distances Gravel, trois distances VTT), en chiffres et en mot. Je me concentre, parce que je n’ai absolument pas étudié le tracé en amont. Je sais simplement que la trace TMV300 mesure en fait 350km, et qu’il y a plus de 8000m de D+ à avaler. 

Pourquoi me suis-je engagé sur ce départ? D’abord, parce que notre rencontre avec Pascal, et nos discussions pleines de poésie et de tracés gpx, ont amené un partenariat entre le TMV et Manivelle que je souhaitais représenter sur le terrain. Et puis, côté perso, c’est une première de m’engager sur une épreuve officielle, avec un parcours imposé, une deadline, un peloton autour de moi au départ. Ce challenge réveille un côté compétiteur que j’avais déjà connu dans d’autres sports, pas dans le vélo. Pas la compétition envers l’autre, mais l’envie de donner beaucoup, en tout cas ce qu’il me reste d’énergie après le Concours de Machine du week-end dernier. Je veux boucler l’épreuve en 2 jours.

Le briefing se termine, l’apéro commence. La brasserie Bra’V nous régale d’une bière blonde, intelligemment légère, fraichement houblonnée. Je retrouve des connaissances, rencontre de nouveaux visages et écoute de nouvelles histoires. Différents profils, différentes approches. L’excitation se sent, l’appréhension aussi. J’entends beaucoup de monde parler de matériel, sans doute pour ne pas parler de soi et de ce qu’on va devoir donner dans cette aventure. 

Ensisheim est en fête sur la place principale et nous nous attablons avec quelques autres participant.e.s autour de tartes flambées préparées par l’amicale des sapeurs pompiers. Je me trouve en face de Maxime Barrat, une chouette personne dont j’avais déjà entendu parlé (c’est le joyeux bonhomme qui fait de l’ultra off-road en single speed) mais que je n’avais encore jamais rencontré. On parle voyage et artisanat, tout en roulant nos parts de tarte, jusqu’à se résoudre à aller dormir pour emmagasiner un peu de sommeil. Je me dirige vers le terrain de rugby du village transformé en camping pour la soirée. La tente est vite plantée mais le sommeil se fait attendre, l’adrénaline sans doute. Je finis par m’endormir, entendant mes voisins se demander si ils ont bien pris des rustines.

Samedi 2 juillet – 160km / 4020 D+

Réveil 6h45, je remballe le campement et me sépare de la tente, décidant de partir uniquement avec un matelas et un duvet (encore une première pour moi, qui apprécie les bivouacs tout confort). Après un petit déjeuner-café à la boulangerie, je rejoins la médiathèque pour le départ. Pascal est ponctuel, je m’en doutais, et le départ est donné à 8h pile. Notre jolie foule part joyeusement sur les chemins et le rythme est de suite assez élevé. J’essaie de trouver le mien sans tomber dans celui des autres, j’observe les gens, leurs vélos, leurs bagages. Je trouve certain.e.s participant.e.s engagés sur les petites distances trop chargées, et celles.ceux engagé.e.s sur les plus longues distances étonnamment léger.e.s.

La première section de vignes brasse le peloton, et je me retrouve assez rapidement dans un petit groupe de trois, puis de deux. Je roule alors avec Klaus, un allemand engagé sur le TMV600, qui me raconte qu’il fait cette épreuve en préparation d’un « swim and run XXL », à savoir 18km de nage et 40km de course à pied. Je me dis que je suis peut-être en sur-régime et le laisse partir devant alors que nous commençons à monter en direction du Hartmannswillerkopf. Premier coup de chaud, je remplis les gourdes à mi-chemin dans un refuge où le robinet indique non potable – « mais nous, on la boit » m’informe le responsable du lieu. J’atteins le cimetière militaire en compagnie de Mohammed et Damien, déjà rencontrés lors des soirées Détour, qui grimpent plus vite que moi sur leurs gravels. Ils s’arrêteront un peu plus loin dans une auberge pour un repas marcaire, je décide de prolonger l’ascension en direction du grand ballon.

Je passe le col Amic puis rejoins le Sudelkopf (1012m) avant de descendre vers Murbach. Après une vingtaine de minutes à me régaler dans les singles, je débouche sur ce petit village gravitant autour d’une église qui pourrait loger tout le village. Il est 12h30, et Murbach a la bonne idée de faire la fête. De la musique, des gens qui papotent sous l’ombre des arbres, des vieux canapés posés nonchalamment à droite et à gauche, des odeurs de barbecue et du taboulé bio, je suis absolument ravi. On m’explique que je suis au festival « La tête dans les nuages », un petit évènement associatif organisé pour rassembler le village et alentours.

Un nouveau concert commence et le départ est dur, mais j’essaie de me tenir à ma ligne de conduite : ne pas s’arrêter trop longtemps pour ne pas devoir rouler trop fort, ou dormir trop peu. Je garde la moitié du taboulé pour plus tard et cherche de quoi remplir mes gourdes. Je débranche le tuyau installé sur le robinet du cimetière pour me servir. Sous pression, le tuyau m’arrose généreusement et fait du bien à ma température corporelle. Je me dis plus tard que le festival en contre-bas était sans doute branché sur cette arrivée d’eau, et que j’ai du quelque peu perturber l’équipe derrière le bar.

Je retrouve alors Maxime, qui s’est arrêté au même endroit, parce que « il y avait une table et que je n’avais qu’un avocat et du fromage, dur à manger sur le vélo », glisse-t-il. Encore une fois, je me dis que je suis en sur-régime, parce que c’est quand même un sacré costaud le Maxime. Je l’observe en danseuse dans la pente raide, sur son single en 32×16. Le cadre grince, le boitier craque, lui sourit. Nos routes se séparent lorsque je redescends vers Buhl, nous nous souhaitons bon voyage.  À partir de là, je roulerai seul presque tout le reste du parcours. Il me reste 280km sur 350. 

Le soleil fait mal dans les vignes, qui aiment bien se raidir lorsqu’il s’agit de monter. J’ai hâte de retourner à l’ombre des forêts vosgiennes mais je sais que ce n’est pas pour tout de suite. La montée du château du Hohlandsbourg m’oblige à finir le taboulé, puis je redescend vers Turckheim. Je croise un participant de la TGV600 me racontant son palmarès en trail, et être à la même distance que lui me rassure sur l’intensité que je donne depuis le début de la journée. Parce qu’en vtt, les km ne passent pas vite et l’après-midi brulante m’avait apporté quelques doutes sur le rythme que je réussissais à tenir.

À l’entrée de Turckheim, je ne résiste pas à l’envie de boire un panaché lorsque je vois Mohammed et Damien en terrasse à l’entrée du village. On parle de nos projets pour la fin de journée, c’est plus dur que prévu pour chacun de nous, arriver le dimanche ne semble plus si simple.

Une fois le verre terminé, je file vers Munster pour enchainer avec l’ascension du col du Wettstein sur la dernière heure de soleil. J’avais déjà roulé cette partie l’année passée pour préparer le CDM21, je savais ce qu’il m’attendait. Il fait plus frais et j’ai un regain d’énergie qui me permet de bien rouler jusqu’à 22h45, après avoir passé le Glasborn, le mémorial du Linge, le grand Hohnack et le village de Trois Epis. Je m’endors juste en dessous du monument du Galtz, pour ne pas descendre les singles techniques le regard flouté par la fatigue. Je me surprends à être organisé dans mes mouvements, la lasagne couverture de survie – matelas – duvet est vite préparée, j’arrange ma table de nuit avec frontale – téléphone/réveil – gourde, et improvise un coussin avec le sac de compression de mon duvet garni d’une serviette. En me brossant les dents, je réfléchis à la programmation du réveil, prenant en compte la fatigue que je ressens alors, et le parcours qu’il me reste à faire. Je règle le réveil à 3h45, puis m’endors très rapidement, bercé par les bruits environnants et la couverture de survie balayée par le vent.

Je monte au village d’Aubure où je profite d’un robinet bien caché derrière l’église pour faire un brin de toilette et me rafraichir les pensées. Je mange mon deuxième sandwich préparé à Hunawihr car il faut maintenant monter au refuge du Brézouard et que je sais que c’est raide, encore. J’ai de bons souvenir de bivouacs passé avec des ami.e.s dans ce refuge, y penser m’aide à oublier le profil de cette montée. Je redescends au col des Bagenelles, et sais qu’à partir de là, le plus beau, mais aussi le plus dur du parcours m’attend. Je me sens bien sur le vélo et enchaine le col du Bonhomme, les quatres lacs (Blanc, Noir, du Forlet, Vert) avant de remonter au Tanet pour filer au col de la Schlucht par la route des Crêtes. Il est alors 18h30, le moral est largement au beau fixe après mettre régalé des paysages m’entourant depuis plusieurs heures. Je mange une petite barre d’amande avant de repartir, sans regarder la carte comme je me l’étais dit plus tôt dans la journée. L’ambiance change rapidement quand je vois la trace suivre la descente de la luge d’été de la Schlucht (dans le sens de la montée), puis le GR des crêtes avec une succession d’escaliers m’obligeant à porter le vélo très régulièrement. Oui les paysages sont absolument magnifiques, le passage par le Honheck me marque et me donne envie de sortir l’appareil photo tous les deux mètres. Mais, je reste presque exclusivement sur le GR du kilomètre 288 au kilomètre 315, du col de la Schlucht au Grand Ballon, en passant par le Honheck, le Hahnenbrunnen, le Markstein. Soit 27km. J’essaie de faire toutes les portions descendantes sur le vélo pour « perdre » le moins de temps possible, pousse mes limites techniques de vététiste encore largement amateur.

À la moitié de ces 27km, je me sens à bout, à deux doigts d’abandonner. Reprendre la route des Crêtes, quitter ce GR qui m’emmène bien trop loin dans la fatigue physique et mentale. Je n’ai roulé avec personne depuis 6h du matin, la gorge se noue. Je sors machinalement mon téléphone, je veux appeler mon amie, essayer de prendre un peu de recul. Il n’y a pas de réseau et j’ai déjà tourné le guidon en direction de la route. Mais avant de pousser la pédale, je regarde à nouveau l’écran, remarquant alors cette petite bulle qui indique un sms. Un message qui va me permettre de finir ce TMV. Quand la fatigue est énorme, quelques mots qui comptent, ça change le cours de l’aventure.

Je passe 3h sur ce secteur entre la Schlucht et le Grand Ballon, que je rejoins à 21h30. Je reçois le coucher de soleil somptueux comme de grands applaudissements. Il me reste alors 35km, dont plus de 1000m négatifs sur single, que je ferai donc de nuit. Je réalise alors que je vais tenir mon objectif. Je prends le temps d’appeler mon amie au premier village avec du réseau, avant d’avaler les 20 derniers kilomètres de plat pour finalement en terminer à 23h57, après 1 jour et 16h de course. Je reçois un sms de Pascal me félicitant pour la performance, et m’invitant à le retrouver le lendemain à 8h pour valider mon arrivée et boire le café.

De retour au stade d’Ensisheim, je me pose avec moi-même dans vestiaires du club, sur ce banc patiné surplombé par des photos de vieux magazines de rugby. Je me refais le film de week-end. Je suis heureux d’avoir tenu mentalement la fin de cette épreuve, de l’avoir bouclée avant tout pour moi. M’engagerais-je à nouveau sur ce genre d’épreuve? On me posera la question le lendemain matin, je ne me la poserai pas tout de suite. Ce qui est sûr, c’est que je n’y trouve pas la légèreté et la liberté que je ressens lorsque je voyage de mon propre chef. Mais j’y ai trouvé d’autres choses, alors, qui sait. “

Silvin

Matériel embarqué :

• Couchage
  • Duvet Wilsa down ultralite 300
  • Matelas Vaude Performance
  • Couverture de survie
• Vêtements
  • Chaud : Haut Merinos, Bas thermique, tour de cou
  • Rechange : Paire de chaussettes
  • Pluie : K-way
• Cuisine (24h de réserve)
  • Barres amande + miel/sésame x3
  • Barre céréale x3
  • Banane x2
  • Plat préparé x2 (lentilles vertes, et ravioli tofu)
• Electronique
  • Batterie externe 20000mah
  • GPS
  • Téléphone
  • Lampe frontale
• Trousse de toilette
  • Crème chamois
  • Crème solaire
  • Dentifrice
  • Brosse à dente
  • Doliprane
• Réparation
  • Plug et mèches
  • Chambre à air x2
  • Visserie, câble de vitesse+frein, patte de dérailleur
  • Multitool
  • Pompe
  • Démonte pneu x2